En roman, G intervocalique primaire est parfois effacé dès le roman I
Effacement de G intervocalique en roman I, parler sigolénois |
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R I |
R II |
R III |
R IV |
EC |
fagu « hêtre » |
fau |
fau |
fau |
fau |
fau |
ĕgo « moi » |
èo > èu |
èu |
ièu |
ieu |
ieu |
tĕgŭlu « toit, ce qui couvre » |
teule |
teule |
teule |
teule |
teule
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Mais, pour la majorité des mots, il est seulement affaibli, sauf dans une partie du domaine qui ne connaît pas cet affaiblissement : tortuga > tortuga/ tortugza « tortue », plaga > plaga / plagza « plaie », a(u)gustu > agosto / agzosto « août », ligare > ligare / ligzare « lier ».
GR intervocalique primaire s'est également affaibli : mĭgrare > megzrare « migrer, déménager »
Comme nous l'avons vu, G devant E ou devant I a connu une palatalisation au cours du roman I qui l'a amené à DH. L'évolution des mots comme lege, rege ne relève donc pas de l'histoire de G intervocalique mais de celle de DH intervocalique.
Sur ce point, l’interprétation de faits linguistiques anciens est assez difficile pour notre secteur car le vocabulaire avec G intervocalique qui reste est limité. Mais les différents éléments que nous avons nous indiquent qu'en occitan, y compris pour l'occitan oriental, l’affaiblissement de G n’a pas atteint G secondaire issu de C.
Nous rappellerons d'abord que les formes issues de la sonorisation de CA, comme sear (de secare), near (de necare), rèia (de rĭca ), éspia (de spica), etc … relèvent de l'évolution de D intervocalique et pas de celle de G, ceci à partir de la seconde palatalisation.
Il semble que le traitement de G intervocalique secondaire est aussi un caractère qui sépare le Velay et le Forez. En Velay, on a amicu > amigo > amic, là où l'ancien forézien avait amiu formé par amicu > amigo > amio > amiu. Raimon Vidal en témoigne dans son traité de grammaire (selon la version du manuscrit de la bibliothèque Riccardi à Florence, intitulé « Las rasos de trobar »)
«
Pois vos dic qe tuit cill qe dizon : amis per amics, et mei
per me an fallit, et mantenir per mantener, et retenir per
retener, tut fallon, qe paraulas son Franzezas, et nos las deu
hom mesclar ab Lemosinas. D’aquestas paraulas biaisas ditz
en P d’Alvergna amiu per amic et chastiu per chastic, qu’eu
non cug qe sia terra el mond on hom diga aitals paraulas, mas el
comtat de Fores ». |
Le suffixe toponymique ACU et IACU nous éclaire également sur le traitement de G intervocalique secondaire. En Velay, ACU est devenu AC, tandis qu'en Forez, on a ACU > AY et IACU > YEU, suivant une évolution régulière : ACU > AGO > AGZO > AGZ > AY (Cotatay, Dorlay, Annonay, Ternay, Fontay, Chavanay, …), IACU > YAGO > YEGO > YEO > YEU (> YO) (Ferminieu, Unieu, Aveisieu, Roifieu, Satilieu, Doisieu, ...)
Si on regarde la séparation entre les formes étymologiques en AC et les formes en YEU/AI, on voit qu'elle suit dans notre secteur la limite entre les deux langues. Le Velay ne connaît pas les formes YEU/AI mais uniquement AC, qui se prononce toujours [ a ]. Les formes arpitanes apparaissent dès une zone frontière où se mêlent des caractères occitans et des caractères arpitans : Ferminieu « Firminy ».
Fremeniaò, ouè la fillo de Lyoun, zou savan et n'en setan fiè, mai nouòtre paï ou è la marcho que fai tracoundre dian le Languedoc coumo le siooù faî entra dian la maisou.
« Firminy, c'est la fille de Lyon, nous le savons et nous en sommes fiers, mais notre pays, c'est la marche qui fait passer au-delà dans le Languedoc, comme le seuil fait entrer dans la maison. » A. Boissier
Il semble que Sainte-Sigolène soit à l’extrémité des formes en AC (Maissinhac (Messignac), Solinhac, ….), dès l’est de la commune, on n’en trouve plus. Entre les formes en AC/IAC et les formes en AY/IEU, on a une zone intermédiaire de type AC/IÈC, dont la prononciation actuelle est A/YÈ. Cette zone semble témoigner d’un traitement de type arpitan pour IA devenu IÈ et d’un traitement occitan pour G intervocalique secondaire, ainsi on aurait IACU > YAGO > YÈGO > YÈC. Les contours précis de cette zone sont difficiles à cerner ; dans certains cas, il a pu y avoir compétition entre deux formes, on voit ainsi pour Lioriac, à Beauzac, des documents indiquant « Lyouriec » (1346), ou « Liouriac » (1555) (Géographie Paysanne, Jean-Yves Rideau) ; Sessiecq, à Luriecq, près de Saint-Bonnet-le-Château, a pour forme traditionnelle Saissieu prononcée SESHYÒ.
Examinons la relation entre périmètre géographique de langue et de domaine administratif : Les paroisses d’Usson, d’Estivareilles, de Montarcher, de Merle, de Saint-Hilaire, de Roziers, d’Apinac, de Saint-Pal en Chalencon, de Tiranges, de Boisset appartenaient autrefois du comté du Forez, ainsi que Bas-en Basset et Aurec, mais nous savons qu’elles étaient auparavant du diocèse du Puy, c’est une extension du comté du Forez attestée dès début 12° siècle qui les a sorties du périmètre vellave. Or ces communes, bien que de langue occitane, présentent aussi des identités arpitanes étrangères à l’occitan, ainsi elles ont un pluriel féminin en ES au lieu de AS : les femnes / las femnas; et nous savons par la charte de Saint Bonnet le Château que cela est ancien. Ici, le patois de Bas-en-Basset relève du traitement arpitan (les femnes), Monistrol-sur-Loire du traitement occitan (las femnas), or l’une était au comté du Forez, l’autre à l’évêché du Puy. Lioriac, anciennement attesté sous deux formes, Lioriec et Lioriac, était précisément limitrophe de ce comté.
Prenons maintenant le cas des paroisses de Saint-Ferréol, de Marlhes, de Riotord ; elles sont sur une bande territoriale qui a à la fois des identités linguistiques occitanes (A ne devient jamais IE, les féminins sont en AS) et des identités arpitanes du Forez (AU primaire est devenu O; B intervocalique secondaire est devenu V), or ces 3 paroisses ont connu un changement de domaine en passant du diocèse lyonnais au diocèse vellave.
Tout au long des siècles, les localités en zone de contact sont disputées par les autorités respectives des deux zones. En 1465, Louis XI soumit par décision royale les localités de Chauffour et de Saint-Ferréol à l’autorité du parlement de Paris, mais cet acte était toujours contesté en 1506 par le parlement de Toulouse qui réclamait le retour de ces paroisses sous sa juridiction. Autre exemple, à la fin du 13° siècle, la seigneurie d’Aurec était devenue indivise entre les évêques du Puy et les comtes de Forez, la partie située sur la rive droite de la Loire, relevait du Velay, la partie située sur la rive gauche de la Loire, relevait du Forez.
GW n'a pas connu l'affaiblissement de G, et il deviendra G en roman III
Evolution de GW intervocalique en parler sigolénois |
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R I |
R II |
R III |
R IV |
EC |
ex + aquare |
eisagware |
eisagwar |
eisagar |
eisagà |
eissagar |
ĕqua «jument» |
ègwa |
ègwa |
èga > ègạ |
ègạ |
èga |
En français, ex + aquare a donné essewer qui évoluera ensuite en essever « faire couler l’eau » ou donnera essorer. En forézien, ces mots ont connus l’affaiblissement de G intervocalique : ĕqua > iègwa > iègzwa > iewa > ieva , ex + aquare > eissagzware > eissawar > eissavar
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
* Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs