Rappelons le système de base du roman occidental
système roman occidental |
i |
e |
è |
a |
ò |
o |
u |
voyelles toniques |
i |
e |
a |
o |
u |
voyelles atones |
En faisant abstraction du cas de A que nous allons voir après, le timbre des voyelles du patois sigolénois se résume par un modèle très simple :
Tonique |
Atone |
||
I |
[ i ] |
I |
[ i ] |
U |
[ y ] |
U |
[ y ] |
O |
[ u ] |
O |
[ u ] |
Ò |
[ ɔ ] ~ [ o ] |
||
E |
[ ø ] |
E |
[ ø ] |
È |
[ ɛ ] ~ [ e ] |
Le E est un E fermé, que les grammaires d’ancienne langue d’oc appelaient E estreit. En général, dans les parlers occitans, ce E estreit est [ e ] mais sur une large partie nord de la Haute-Loire, sa prononciation est proche de [ ø ], comme « bleu » français, mais moins arrondi et plus tendu.
Ni les consonnes environnantes, ni la position tonique ou atone, ne changent la prononciation : peset [ pø'zø ] « petit pois », pena [ ’pøn(ɔ) ] [ ’pøn(å) ] « peine », parlaretz [ paʀla'ʀø ] « vous parlerez », chabeç [ tsa'bø ] « traversin », chabeçon [ tsabø'su ] « coussinet »
Il y a cependant des exceptions que nous
développerons plus largement dans d'autres articles :
•
E peut être articulé [
i ] (par l'influence d'une consonne palatale)
•
E pré-tonique devant R est articulé [
a ].
• ES devient EI
È est un E ouvert, que les grammaires d’ancienne langue d’oc appelaient E larg, par opposition au E fermé nommé E estreit. A Sainte-Sigolène comme généralement en Velay, ce È couvre une gamme entre [ e ] et [ ɛ ]. Dans la notation phonétique, j'utiliserai souvent arbitrairement [ e ] ou [ ɛ ] sans pouvoir réellement fixer l'un ou l'autre. Cependant, même si E larg n'est pas positionné précisément, son identité s'affirme en s'opposant de façon particulièrement nette à E estreit réalisé [ ø ] (ou [ i ] suivant le contexte phonétique).
Tout comme È couvre une gamme [ e ] ~ [ ɛ ], Ò couvre une gamme [ o ] ~ [ ɔ ]. Et tout comme È s’oppose à E réalisé [ ø ], Ò s’oppose à O réalisé [ u ].
Nous avons vu ce point dans un article précédent.
L’alternance de timbre entre une voyelle tonique et une voyelle atone est toujours vivante en occitan. Cette alternance concerne O et E, qui connaissent deux variantes en position tonique, Ó / Ò et É / È, à ces variantes ne réponde qu'une seule forme atone, O et E. Ainsi, en patois sigolénois, conformément à la phonétique occitane, les timbres [ ɛ ] ~ [ e ], [ ɔ ] ~ [ o ] n’existent pas en position atone.
L'alternance concerne les mots qui partagent une structure commune, ainsi la forme conjuguée pòrte « je porte » alterne avec un infinitif portar. Chaque fois que Ò est utilisé en position tonique, O répond en position atone : sònhan « ils regardent » / sonhem « nous regardons », còpe « je coupe » / copar « couper », fòrça « force » / forçar « forcer », mòrdre « mordre » / mordu(t) « mordu ». De la même façon, È alterne avec E : anhèl/anhelon, mèlhs/melhor « mieux » / « meilleur », mèna/menaire « il mène, conduit » / « meneur ».
Nous verrons cependant des contextes où l'articulation de
la voyelle est modifiée, ce qui introduit d'autres
alternances :
- E pré-tonique devant R en fin de
syllabe se prononce A : pèrdre [
'pɛʀdʀ(ø) ], perdu(t) [
paʀ'djy
].
- E peut être articulé I :
mèlhs [
me ] / melhor [
mi'juʀ ].
- L'effacement de S et de L en fin
de syllabe ou de mot change ÒS et ÒL en ÒU [
ɛu ]
~ [
eu ]:
cròs [
kʀɛu ]
« creux », crosar [
kʀu'za ]
« creuser » ; dòl [
dɛu ]
« deuil », dolent [
du'l ]« douloureux ».
A Sainte-Sigolène, les diphtongues toniques ont gardé la prononciation classique, mais les diphtongues atones sont simplifiées. Ce processus a abouti à la situation suivante:
|
tonique |
atone |
commentaires |
AI |
[ ai ] |
[ ei ] / [ i ] |
|
AU |
[ au ] |
[ au ] / [ u ] |
[ au ] est parfois maintenue en position atone, mais A est alors très faiblement articulé. |
EI |
[ ɛi ] ~ [ ei ] |
[
øi ]
/ [ ii ]
/ |
[
ɛi ]
~ [ ei ]
indique une gamme entre [
ei ]
et [ ɛi
] |
ÈI |
[ ɛi ] ~ [ ei ] |
||
EU |
[ øu ] / [ iu ] |
[ ju ] |
La prononciation [
øu ]
est propre à quelques personnes, les autres ayant [
iu ] |
ÈU |
[ øu ] / [ iu ] |
||
IU |
[ iu ] |
[ ju ] |
|
OI |
[ wɛi ] ~ [ wei ] |
[ wi ] |
|
ÒI |
[ wɛi ] ~ [ wei ] |
||
OU |
[ u ] |
[ u ] |
[ ɛu ] ~ [ eu ] indique une gamme entre [ eu ] et [ ɛu ] |
ÒU |
[ ɛu ] ~ [ eu ] |
Je ne présente pas ici la diphtongue UI qui comme le plus souvent en langue d’oc, est réduite à [ y ] depuis longtemps : frut « fruit », adurre « apporter ».
Nous verrons que EI, souvent prononcé [ i ] en position atone, ne se confond pas avec I lui-même, ainsi aseimar « observer » se prononce [ azi’ma ] mais pas [ aȝi’ma ] comme le supposerait asimar.
La prononciation [ ɛu ] pour ÒU est une caractéristique commune à une grande partie du Velay. Cette prononciation est régulière, quelque soit la date de la formation de la diphtongue ÒU, même quand elle est issue d’une évolution très récente.
On a ainsi alternance de prononciation pour une même racine
suivant qu’elle est en position tonique ou atone :
paire [
paiʀ(ø)
]
« père »
, pairin [
pi’ʀi
] « parain »
auve [
’auv(ø)
]
« j’entends », auvir [
u’vi ] / [
au’vi]
« entendre »
veire [
’vɛiʀ(ø)
]
« voir », veirem [
vi’ʀ ] « nous
verrons »
paure [
’pauʀ(ø)
]
« pauvre », mais paurós [
pu’ʀu: ] / [
pau’ʀu:
]
Les parlers du nord de Haute-Loire ont une évolution de IU en IEU qui peut se simplifier en IU ; mais cette évolution n'est pas admissible pour Sainte-Sigolène où IEU n'aboutit pas à IU comme nous allons le voir dans un prochain article.
Dans notre patois, YO suit la prononciation de IU, autrement dit [ ju ] est devenu [ iu ] : region [ ʀø’dziu ], mission [ mi'∫iu ], .. Cela ne s'applique pas à Y intervocalique : caion [ ka'ju ] « cochon », … En position atone, c'est [ ju ].
A la différence de ce que l’on a en français, et le plus souvent en arpitan, en langue occitane les voyelles ne changent pas de timbre quand elles sont nasalisées. Le modèle sigolénois est ici très simple
voyelle orale |
voyelle nasale |
||
I |
[ i ] |
IN/IM |
[ ĩ ] |
U |
[ y ] |
UN/UM |
[ ] |
E |
[ ø ] |
EN/EM |
[ ] |
È |
[ e ] |
ÈN/ÈM |
[ ] |
O |
[ u ] |
ON/OM |
[ ũ ] |
Ò |
[ ɔ ] |
ÒN/ÒM |
[ ] |
A |
[ a ] |
AN/AM |
[ ] |
Ce modèle représente ici une structure de base, elle se complique cependant légèrement dans la mesure où il peut y avoir une consonne nasale articulée, ce qui se produit dans le cas des voyelles I, U, E, O, placées devant une consonne (on comprend ici que l'articulation d'un N est une transition due à la difficulté de coordonner deux changements, déplacement de la langue et fermeture du conduit nasal ; je ne le représenterai pas dans la notation API). Il faut également dire que l’articulation des voyelles nasales est sujette à des variantes.
IN / IM
rasim [ ʀa’ȝĩ ] « raisin »
UN / UM
defunta (prononcé sur un modèle desfunta) : [ di’ft(ɔ) ] / [ di’fɥt(ɔ) ] « défunte »
Cette voyelle n'est pas uniforme, son articulation peut être [ ] , [ ɥũ ], [ jũ ] ou se rapprocher de [ ɥ ]
EN / EM
cent [ s ] « cent » , fems [ f ] « fumier », bèlament [ ’bela’m ] « doucement, lentement », anem [ a’n ] « nous allons », parents [ pa’ʀ ]
Il arrive que EN soit prononcé [ ], probablement sous l’influence phonétique du français standard. Elle ne devient [ ] que très rarement, sous l’influence probable du forézien ou du français.
ÈN / ÈM
vèn [ ] « il vient »
ON / OM
pom [ pũ ] « pomme » (masculin); montar [ mũ’ta ] « monter » (plus précisément [ mũn’ta ])
ÒN / ÒM
fònt [ fw ] « fontaine » , quicòm [ tji’k ] « quelque chose »
La prononciation peut passer à [ ]
AN / AM
vòlan [ ‘vɔl ] « ils veulent » , fam [ fw ] « faim »
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
* Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs