L'articulation de A se caractérise en occitan par une tendance a devenir O. Mais les réalisations sont variées.
Pour ce qui est des parlers de l'Yssingelais, il semble que l'on ait une règle générale qui est que, à chaque fois que A est devenu final (avant le 12° siècle), il est devenu postérieur et a évolué vers O. C’est une caractéristique que l’on attribue généralement aux parlers arpitans, mais le traité de grammaire d’Uc Faidit, au 13° siècle, indique que A de pa(n), ma(n), … est un A estreit, c’est-à-dire un A fermé, proche de O.
Voici comment ce schéma général a abouti dans le patois de Sainte-Sigolène
pena [ ’pøn(ɔ) ] / [ ’pøn(å) ] « peine », messa [ ’mø:s(ɔ) ] / [ ’mø:s(å) ] « messe», letra [ ’løtʀ(ɔ) ] / [ ’løtʀ(å) ] « lettre », femna [ ’fn(ɔ) ] / [ ’fn(å) ] « femme ».
A Sainte-Sigolène, suivant les personnes, A posttonique final a deux prononciations, c'est soit [ ɔ ] ou [ å ]. J'alignerai le plus souvent la notation phonétique sur [ ɔ ]. Indiquons aussi qu'il y a une tendance à ne pas prononcer les posttoniques, ce que je représente par des parenthèses.
Dans
le cas de AS posttonique, S n'est pas prononcé, A est [ a ],
et il est nettement moins faible que A posttonique. Nous reviendrons
plus en détail sur le cas de S final, et nous verrons qu'il
n'est jamais articulé :
vachas [ ’vatsa
] « vaches », femnas [ ’fna ]
« femmes ».
Les parlers arpitans ont depuis leur origine ES à la place de AS posttonique. On a ainsi les formes classiques arpitanes la femna / les femnes. Sainte Sigolène est ici aussi en zone occitane, mais Bas-en-Basset a sur ce point le traitement arpitan que l’on trouve également dans la charte de Saint Bonnet le Château au 13° siècle : femna / les femnes, ES étant maintenant prononcé EI.
Dans le cas de ÀA des formes comme passaa [ pas’a ] « passée », civaa « avoine », muaa « orage », buaa « lessive », ratapenaa « chauve-souris », alaa « flambée », annaa « année », … A posttonique a fusionné avec A tonique.
A posttonique nasal est [ ã ]: parlan [ 'paʀlã ] « ils parlent », parlèran [ paʀ’lɛʀã ] « ils parlèrent ». Il est nettement moins faible que A posttonique non nasal.
Il faut distinguer le cas où A tonique est final du mot des autres cas, c'est à dire le cas de A postérieur et le cas de A antérieur.
Dans le cas de A final, c'est à dire de A postérieur ( Ạ ), il est [ ɔ ] / [ å ] dans le cas de YẠ , ẈẠ, WẠ , ainsi que pour les formes conjuguées : parlará [ paʀla'ʀɔ ] « il parlera », miá [ mjɔ ] « mienne », viá [ vjɔ ] « vie » , … On a également une prononciation que j’assimile à [ ɔ ] pour tout A devenu final à une date ancienne, avant le 12° siècle : passa(t) [ pa'sɔ ] « passé », pra(t) « pré » [ pʀɔ ], pa(n) [ pɔ ], bla(t) [ blɔ ] «blé », Sant-Roma(n) [ sãʀu’mɔ ], …
Suivi de S, A tonique est [ a ], mais les pluriels sont ici généralement alignés sur le singulier, cette distinction est donc devenue obsolète, sauf pour un cas identifié, pra(t) : lo pra(t) [ lø'pʀɔ ], los pra(t)s [ lu:'pʀa ].
Dans le cas de A antérieur, on a [ a ]: lana [ 'lan(ɔ) ] « laine », planc [ plã ] « plancher », … Quand il est devenu final au cours du roman IV, A suit le schéma de A antérieur : Grasac [ gʀa'za ] « Grazac », sac [ sa ] « sac », chat [ tsa ] « chat », parlar [ paʀ'la ] « parler », sal [ sa ] (fém.) « sel », anatz [ a'na ] « vous allez ».
Il est prononcé [ a ]: matin [ ma'tji ] « matin », chantar [ tsã'ta ] « chanter », … (d'autres études sur notre secteur ont indiqué qu'il s'agit de [ å ]).
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
* Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs