Au sens strict, une triphtongue est supposée être une seule voyelle dont l’articulation évolue au cours de son émission tel qu’on peut distinguer trois éléments vocaliques. En réalité, une triphtongue est très difficile à articuler et au moins un de ces éléments va devenir une consonne.
Nous nous intéresserons à 3 triphtongues que connaissait l'ancien occitan local: IEU, UEU, UEI. La simplification a abouti à Sainte-Sigolène à la disparition du premier élément, probablement par le schéma suivant :
IEU |
YEU |
|
|
> YZEU |
> EU |
[ øu ] / [ iu ] |
UEU |
WEU |
> ẈEU |
> YEU |
> YZEU |
> EU |
[ øu ] / [ iu ] |
UEI |
WEI |
> ẈEI |
> YEI |
> YZEI |
> EI |
[ ɛi ] ~ [ ei ] |
mieu [ møu ] / [ miu ] « mien », uèu [ øu ] / [ iu ] « oeuf », nuèit [ nɛi ] « nuit »,
Nous ne revenons pas ici sur le cas de IEI dont nous avons dit qu'il était EI avant même le roman IV.
Pour ce qui est de uèu « oeuf », uèu « boeuf », nous sommes au nord de la ligne qui sépare des formes uòu, buòu de uèu, buèu, celle ligne passant à la latitude de Saint-Agrève.
La simplification des triphtongues s'est accompagnée d'une perte de l'articulation palatale de la consonne précédente. Ainsi, tieu [ tøu ] / [ tiu ] « tien », sieu [ søu ] / [ siu ] « sien », s'opposent à tiá [ tjjɔ ] « tienne », siá [ ∫jɔ ] « sienne ». Ce constat avait déjà été fait par Pierre Nauton dans « Géographie phonétique de la Haute-Loire », il avait relevé que pour les syllabes en IEU, ses témoins les plus âgés dans l'Yssingelais avaient une articulation palatale qui était en cours de régression, tandis que le groupe IEU prenait la forme YZEU. On notera que ce n'est pas toujours le cas : Matieu [ matjiu ], Dieu [ djiu ]« Dieu ».
Pour compléter le sujet, il faut dire que le schéma de simplification que j'indique ici ne fonctionne pas dans le cas où la triphtongue est dans une syllabe commençant par un groupe comme TR, BR ; dans ce cas là le premier élément de la triphtongue ne peut pas devenir consonne car cela créerait un groupe de trois consonnes très difficile à articuler. La simplification passe alors par une séparation de la triphtongue en deux syllabes : IEU > IYZEU, mais le patois de Sainte-Sigolène ne nous donne pas d'exemple direct.
Pour ce qui est du pronom ieu « je », « moi », il est toujours prononcé [ jiu ]. mais c'est un mot bref et Y est ici une consonne de soutien (nous reviendrons sur ce point dans un autre article).
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
* Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs