Dans notre patois, toutes les consonnes en fin de mot ont été effacées ; il y a cependant l'exception de R qui est généralement prononcé mais il s'agit d'une réintroduction sur le modèle des pluriels qui avaient gardé R articulé. Nous ne reviendrons pas sur les cas de S et de L que nous avons vu précédemment.
Il est important de distinguer cet effacement relativement récent de celui des consonnes qui étaient affaiblies dès le roman I et qui ont disparu au cours du roman III. Les séquences respectives des évolutions émergent dans la prononciation actuelle, et nous allons en donner deux exemples.
L'effacement de M et de N au cours du Roman IV a laissé à la voyelle qui précède une articulation nasale, mais cette nasalisation est elle-même postérieure à l'effacement de N instable, on a ainsi vi(n) [ vi ] « vin », pa(n) [ po ] « pain », be(n) [ bø ] « bien », mais bren [ bʀ ] « son de céréale », pan [ p ] « pan de chemise », vent [ v ] « vent », …
Comparons maintenant le cas de TZ final effacé en roman III, et celui cas de T final effacé en roman IV. Pour cela, nous utiliserons l’exemple de de(t) « doigt » pour le cas d’un effacement en roman III : ü dĭtu > (I) dedo > dedzo > (II) detz > de ; nous prendrons peset « petit pois » pour le cas d'un effacement en roman IV, peset étant formé sur pes « pois » et le diminutif issu de ĭttu : ü pĭsu + ĭttu > (I) peso + eto > (II) peset « petit pois » > (IV) pesé. La prononciation actuelle à Sainte-Sigolène est de(t) [ dø ], peset [ pø’zø ]. En première approche, nous n’avons pas de différence de prononciation entre E(T) et ET. Mais si nous regardons les pluriels, ils sont différents : los de(t)s [ lu: dɛi ], los pesets [ lu: pø’zø ]. Cette différence est régulière : los valets [ lu: va’lø ] « les valets », tos colets [ tu: ku’lø] « tes collets », los violets [ lu vju’lø ] « les sentiers », ... L’explication est ici simple : dans le cas de de(t)s, le T était effacé quand s’est produit la réorganisation du système de cas en roman III qui a institué S comme marqueur du pluriel. La forme du pluriel était donc déjà des quand s'est produit l’allongement et la diphtongaison de E devant S. Cependant, peset avait toujours T au moment de la réorganisation du système de cas, son pluriel s’est donc formé en pesets, E ne s’est pas allongé dans ce contexte et garde son articulation. Les parlers yssingelais qui conservent les consonnes finales ont ainsi los de(t)s [ lu:des ], los pesets [ luspe’sets]. Ajoutons que la prononciation du singulier de(t) est parfois alignée sur le pluriel [ dɛi ], ce qui se conçoit facilement car le mot doigt est plus souvent employé dans un contexte de pluriel ; mais l’usage le plus fréquent est bien d’opposer le singulier [ dø ] au pluriel [ dɛi ].
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
* Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs