Le passage du groupe latin CT à YT est une évolution commune à toute la Romania occidentale. A l'époque du roman I, on avait ainsi : ünŏcte > nòite « nuit » ülĕcte > lèite « lit », ülacte > laite « lait », üfructu > fruito « fruit », ütrŭcta > troito « truite » (U roman est alors prononcé [ u ], il deviendra [ y ] en fr., oc. )
L’évolution s'est ensuite poursuivie dans certaines régions, avec un déplacement de la prononciation palatale qui glisse vers le T, lequel devient TH puis TSH [ t∫ ], écrit CH, d’où les formes actuelles noche (castillan), nuèch (occitan languedocien, provençal, limousin), frucho, fruch, trocha, leche, lach, … Sainte-Sigolène est dans la zone qui garde IT ; on notera très peu d'exceptions : pacha (lat. pacta) : « accord scellant une vente », mais on sait que c’est ici un mot trans-dialectal qui a connu une extension forte, pacheiar « négocier un achat, marchander », trachoira (lat. tractoria) « cheville d’attelage » ( traitoira dans le Velay ouest).
Au contact d’une voyelle, Y a formé une diphtongue,
au contact d’une consonne, il l’a
palatalisée :
üpĭncturare
> penhtrare « peindre »
ücĭncta
> tsenhta « ceinte »
üsanctu
> sanhto « saint »
Regardons de plus près la forme occitane sant. Les textes occitans de l’époque III écrivent « saint », INT ne pouvait représenter que NHT ; donc N était probablement encore palatal à cette époque. Nous avons sporadiquement dans la toponymie occitane ou arpitane la forme sanch (Sanchèli « Saint-Chély », Sanchamant « Saint-Chamant », Sanchamont « Saint-Chamond ») qui suppose que l’articulation palatale a pu glisser vers T à l’occasion d’un changement de séparation syllabique : sanhtamant> santhamant > santshamant = Sanchamant « Saint-Chamant ». Le gascon a sanctu > sent suivant la règle commune au castillan et gascon où tout A devant palatale devient E. Nous verrons que le patois sigolénois garde une trace de l'ancien contact avec NH dans des mots comme centa.
A Sainte-Sigolène, on utilise sant pour les noms toponymiques. Le nom de la commune a une double forme, Santa-Segolena ou Santa-Sigolena ; Sant Roman [ sʀu’mo ], etc ; mais sènt pour les personnages de la tradition catholique, c’est dans ce cas un simple emprunt au français ainsi qu’en témoigne la prononciation [ s ] qui est inconnue dans les mots autochtones pour lesquelles ÈN = [ ], EN = [ ], ENH = [ ĩ ] .
üexsartu > eissarto > eissart, üexamene > eissámene > eissam « essaim » üex + aquare > eissaguare > eissagar « essorer », üsĕx > sèis « six ».
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs