Formation de U antérieur et fermeture de O

U antérieur

L’occitan a en commun avec le français que le U roman, prononcé [ u ] est devenu [ y ], on parle d’antériorisation ou de palatalisation de U, on peut aussi parler de fermeture de U, l'antériorisation étant alors considérée comme la conséquence de cette fermeture (l'anatomie de la bouche implique alors un déplacement de la langue vers l'avant). C’est ici un des traits qui séparent le catalan et l’occitan, le catalan ayant conservé le timbre [ u ]. La date de ce changement est très approximative ; il a probablement été progressif : muru > muro > mur > mụr, puru > puro > pur > pụr, ...

Pour le franco-provençal, on pense que U est resté [ u ] jusqu’au 16° siècle, il a pu ensuite être conservé, ou devenir [ œ ] ou [ o ] ou [ y ]. On a ainsi en arpitan curar « curer, nettoyer » [ ku’ra ] / [ ky’ra ] / [ ko’ra ]. Le piémontais et autres parlers du nord de l’Italie ont des évolutions similaires où les voyelles arrière s’antériorisent : [ o ] > [ œ ] ou [ ø ] , [ u ] > [ y ].

Progression de U antérieur en nord Italie

Le patois de Sainte-Sigolène a ici le traitement occitan, mais celui de Bas-en-Basset a hérité de certaines formes arpitanes qu’il a parfois conservées en l’état : un (article indéfini) [ ũ ], una [ ’unå ] « une », suar [ swa ] « suer ». Signalons qu'à Sainte-Sigolène, l’adjectif numérique « un » est [ jy ] ( le yod étant ajouté comme consonne de support nécessaire à un mot d'une seule voyelle), tandis que le pronom indéfini « un » est [ jũ ] qui est inattendu à la fois par la présence d'une nasale et par l'articulation [ u ] (c'est peut-être une adaptation d'une forme forézienne [ jõ ]) ; l'article indéfini un est [  ] ce qui est simplement la forme française, mais l'indéfini pluriel es d'uns [ djy ].

Fermeture de O

En français comme en occitan, O fermé est devenu [ u ]. Il est possible que cette fermeture de O français et occitan soit une conséquence de la fermeture de U, celle-ci ayant dégagé un espace articulatoire, O fermé aurait occupé l'espace disponible pour mieux se différencier de O ouvert.

En français, cependant, O fermé est pas resté homogène, il a pu parfois s'ouvrir et venir se confondre avec O ouvert qui lui-même se fermait dans certains contextes, d'où des formes variées : « mot », « mourir », « fourche », « porter », « personne », « maison », « pont », « coupable », « cour », ... Cette confusion occasionnelle entre O ouvert et O fermé ne s'est jamais produite en occitan, où O fermé est resté uniforme.

En français, la tradition écrite de O est assez complexe. Pour la comprendre, il faut se rappeler que le français a diphtongué O libre en OU qui a lui-même évolué en EU dans une partie du français. Le français a eu ainsi coleur au nord et à l'est et colour à l'ouest. OU comme EU se sont ensuite simplifiés en devenant respectivement [ u ] et [ œ ]. Par ailleurs, O fermé est resté [ u ] ou est devenu [ o ], dans des conditions différentes suivants les régions. Cette double prononciation a posé un problème lorsqu'il s'est agi de codifier une forme officielle du français. Le débat qui est resté sous le nom de querelle des « ouistes » et des « non ouistes » au 16° et 17° siècle a été résolu par l'adoption du double signe « ou » pour représenter O prononcé [ u ] et la restriction du signe « o » à la seule prononciation [ o ]. L'adoption du double-signe « ou » était d'ailleurs une ancienne innovation née de la coïncidence de prononciation entre l'ancienne diphtongue OU et celle de O fermé. C'est ainsi que, dans l'écriture, on a substitué O par OU et qu'on a fixé des formes de références soit en « o » : « mot », « moteur », … soit en « ou » : « douleur », « couleur », … on a ainsi a abandonné une distinction devenu obsolète de OU et de O.

Pour ce qui est de l'occitan, le contexte est très différent. Tout d'abord, comme en français, O fermé s'est fermé un peu plus et s'est rapproché de [ u ], mais à la différence du français, il ne s'est jamais confondu avec O ouvert. Par ailleurs, l'occitan ne confond pas O, OU et ÒU, en particulier en Velay où on distingue assez bien OU [ uw ] de O [ u ]. Indiquons que OU est rare, il n'existe que par la vocalisation d'une consonne : molton > mouton, escoltar > escoutar, polmon > poumon, soldar > soudar « souder », … OU est assez souvent assimilé à AU qui est une forme plus fréquente, ou peut être simplifié en [ u ], on a ainsi pour l'Yssingelais les formes saudar « souder », paumon « poumon », et on entend parfois en Velay escautar pour escoutar « écouter ».

Au-delà du français et de l'occitan, la fermeture de O en [ u ] s'est étendue dans une partie orientale du catalan, en piémontais, et de façon irrégulière en franco-provençal.

Ụ secondaire

En terres occitanes, arpitanes, et nord-italiennes, il arrive que O ait évolué en U palatal, c’est à dire [ y ] au lieu de O [ u ]. Les linguistes utilisent le terme de U secondaire pour nommer le processus d’évolution de O en U palatal, car l'évolution s'est faite par la séquence [ o ] > [ u ] > [ y ]. Cette séquence se déroule comme si la fermeture de O avait pu amener l'articulation de O suffisamment proche de celle de U pour qu'elle puisse être embarquée dans le mouvement d'évolution de U qui l'amenait à [ y ].

On remarquera en particulier que CO est souvent devenu CU : cobèrta > cobèrta, cobrir > cubrir, coèrc > cuèrc, cobercèl > cubercèl, colhir > culhir, comuna > cumina, condir > cundir, escopir > escupir. Il semble que nous disposons d’une attestation toponymique confirmant que ce passage de CO à CU était déjà réalisé au 13° siècle : le lieu Cublaise, sur la commune des Villettes, était déjà noté Villa de Cublesas en 1269 (issu de Coblelas ). On peut supposer que le son K a eu un effet palatalisateur sur O

On indiquera enfin que l’infinitif eissublar « oublier » avec U atone se voit opposer des formes conjuguées avec Ò tonique, comme eissòbles pas « n’oublie pas ».

Ụ peut passer à I

De façon occasionnelle, Ụ peut passer à I, ce changement se faisant simplement par perte de l'arrondissement des lèvres. On a par exemple dans notre patois punh « poing » mais pinhaa « poignée ».


Paja precedenta

Paja seguenta




Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021     /     [ Télécharger l'ouvrage ]


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PrimaV
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L'aigada
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