On sait que différents systèmes sont - ou ont été- utilisés pour écrire l'occitan auvergnat (système Roumanille/Mistral, système Bonnaud, etc …). Celui qui est mis en œuvre dans la cadre du cours est adopté par l'Institut d'Estudis Occitans depuis sa fondation et se revendique comme l'écriture occitane normalisée. Ce système admet des variantes d'écriture pour représenter des variantes de prononciation. Dans le cadre d'un lexique à usage d'apprentissage, nous devons évidemment limiter ces variantes. De façon générale, nous prenons comme usage admis l'ancienne tradition écrite telle qu'elle est attestée par les textes auvergnats antérieurs au 16° siècle, reprise en bonne part dès 1925 par Henri Gilbert, Benezet Vidal, ainsi que d'autres contributeurs, et enfin poursuivie par des auteurs contemporains. Cependant, il y a entre ces différentes sources des cas où l'usage n'est pas arrêté nettement, et pour lesquels j'explique ici comment la sélection est opérée . Par ailleurs, au delà de ce qui est indiqué ci-dessous, le dictionnaire de l'http://www.academiaoccitana.eu/ (http://www.academiaoccitana.eu/) est également une source précieuse pour fixer certaines formes écrites.
. Nous prenons l'écriture de N dit caduque: chamin,
chamí « chemin »,
pan, pa « pain »,
rason, rasó « raison ».
En réalité, l'ancien N simple n'est pas prononcé
en fin de mot, tandis que l'ancien NN reste prononcé (ou le
plus souvent, c'est la voyelle qui précède qui est
prononcée de façon nasale) : chamí
de caminu, pa de pane, bren
de brennu, pan de pannu. Au moment où
nous fondons la tradition écrite, la prononciation de l'ancien
N simple était déjà abandonnée, mais nous
la restituons dans l'écriture pour des raisons de conventions.
A l'extrémité sud et est du domaine que nous
considérons, c'est à dire vers Aubenas/Privas, N est
présent dans les mots courts comme pan, man.
.
De la même façon, N devant une consonne est généralement
noté pour des raisons étymologique : benlèu,
belèu « peut-être »,
concors, cocors « concours »,
confessar, cofessar « confesser »,
enfant,
efant « enfant »,
confir, cofir « confire »,
… , sauf dans quelques cas où l'usage écrit
semble être installé : cofle « gonflé ;
repus ».
.
On garde aussi l'écriture NS quand il a évolué
en S en langue romane : cònse,
còsse
« maire »,
conselh,
cosselh
« conseil »,
dengús,
denguns
« nulle
personne », sauf dans quelques cas : eissolentar
« insulter »,
cossí
« comment ».
Bien sûr, quand l'évolution date d'avant la langue
romane, on ne restitue pas NS : maison
« maison » ;
mes,
mens
« mois » .
.
On applique les même choix pour RS devenu S: vès,
vèrs
« à ;
chez »
.
On prend aussi la convention de généraliser S pour Z
entre voyelles, même quand l'étymologie ne le justifie
pas : jausir,
jauzir
« jouir ».
Z est cependant pris là où les langues romanes ont
cette forme :
azard,
asard ;
. L en fin de mot est souvent vocalisé en U. Il peut être
prononcé [
ʁ
]
dans
le Cantal. On prend pour écriture unifiée L :
sal,
sau
« sel ».
. L devant une consonne est très majoritairement vocalisé en U, mais reste sous la forme [ ʁ ] dans le Cantal. On prend les deux variantes : sauvar, salvar « sauver ».
. L'ancien LL latin, passé en fin de mot, est parfois confondu avec LH, et est alors prononcé [ j ] ou [ r ] (Cantal), soit est effacé totalement mais sans avoir suivi les évolutions de L (il ne se vocalise pas en U, sauf pour les pluriels), et ne provoque pas d'insertion vocalique à la différence de IL (fil > fial, abril > abrial, etc), ou ÈL(mèl > meal > mial, estèla > esteala > estiala, etc). On le présente en L(H) en laissant ouvert le choix de la notation : chaval(h) « cheval » ; aucèl(h) « oiseau ».
. D intervocalique est passé à Z ou est effacé, suivant une répartition géographique ; les deux formes sont admises : pesada, piada « empreinte de pied, trace de pied », pesolh, peulh « pou », susar, suar « suer ».
. DI intervocalique est passé à DJ/DZ ou est effacé, on admet les deux : suja, suá « suie »
. DI intervocalique après A ou O est passé à Y dans une zone plus vaste ; on admet également les deux : pajar, paiar « payer », brajas, braias « pantalon », rajar, raiar « rayonner »
. Les variantes d'évolutions phonétiques anciennes et ancrées dans des aires géographiques larges sont admises : uèu, uòu « oeuf » ; vès, vàs « chez, à »
.
Cependant, le passage
de ÒU à ÈU, qui est général sur
une grande partie du domaine et relativement ancien, n'est pas pris :
plòure,
plèure
« pleuvoir »,
mòure,
mèure
« moudre ».
. Les variations entre O et U sont nombreuses ; on accepte les deux quand elles ne semblent pas marginales : pojar, pujar « monter, grimper »
. Beaucoup de verbes ont un infinitif qui existe sous deux formes : véner, venir « venir », créser, creire « croire », voler, vòure « vouloir », auxquelles s'ajoutent des variantes basées sur des formes conjuguées : saber, sabre, saupre « savoir ».
. Dans une partie du domaine considéré, la séquence latine N + DH a donné deux réalisations : plànger, plánher « plaindre », pónger, pónher « poindre, piquer », congèira, conhèira « congère », prangèira, pranhèira « après-midi » ou « sieste ».
. La consonnification de I a donné deux formes, suivant une répartition géographique, soit NH, soit J ailleurs. Dans le cas de MNH, il y a eu une simplification en NH, mais on garde l'écriture MNH : somjar, somnhar « songer, rêver », vendemnha « vendange »
.
On ne prend pas
les différents cas où S est affaibli : esclòp,
eiclòp
« sabot » ;
. Cependant, pour les mots où S a laissé I depuis longtemps et qui sont généralisé sous cette forme, on abandonne S: èime « bon sens, intelligence » ; vaslet, vailet « valet »
.
On conserve l'écriture de UÈI qui s'est simplifié
dans différentes formes : nuèit,
nèit,
nuet
« nuit »,
puèi,
pèi,
pue
« puy » .
Ceci
s'applique aussi à UÈLH qui est un autre aspect de la
même simplification: fuèlha,
fèlha
« feuille »
. Le suffixe ÈIR est IÈR au sud du domaine ; on prend les deux formes : nogèir, nogièr « noyer », panèir, panièr « panier ». Pour les autres aspects de la même segmentation, on admet également les deux variantes : cuèir, cuèr « cuir ». La forme [ ÈR ], autrefois coincée entre zone [ ÈIR ] et zone [ IÈR ], aujourd'hui recouverte par la poussée de [ IÈR ], est abandonnée.
. Pour le pluriel du suffixe ÈIR, on prend ÈIRS, on prend aussi ÈRS qui est une forme ancienne et souvent maintenue dans la langue contemporaine : panèirs, panèrs ( l'opposition ÈIR/ÈRS apparaît déjà dans les tous premiers textes auvergnats)
.
Quand les variantes issues du système de cas
donnent des doublets sémantiques, on prend le sens qui est le
plus
conforme au schéma général : bofaire
« souffleur »
« soufflet »,
bofador
« soufflet ».
En l'absence de schéma général, on prend les
deux formes: dengús,
dengun
« nulle
personne ».
.
L'aphérèse, c'est à dire l'effacement de la
voyelle initiale, courant en
Basse-Auvergne mais rare ailleurs, n'est pas prise: apeitar,
'peitar
« attendre »
.
Le développement d'un W entre une consonne arrondie et A,
propre à une partie du Puy-de-Dôme, n'est pas pris :
paire,
poaire
« père »,
bailar,
boailar
« donner ».
.
La diphtongue OU, instable, est souvent passé à
AU,
ou à O allongé
[ u: ], ou à O simple [
u ], on ne prend que la forme OU qui est d'ailleurs toujours présente
dans la langue contemporaine: escoutar,
escautar
« écouter »,
sauf quand
il semble que AU soit généralisé : saudar
« souder »,
paumon
« poumon ».
Quand OU semble
être toujours simplifiée, on ne la prend pas :
cotèlh,
coutèlh
« couteau ».
.
Quand un mot savant (c'est à dire un mot introduit tardivement
et qui n'a pas connu les séquences d'évolutions
phonétiques régulières) existe sous différentes
variantes d'accentuation, on ne retient que la variante conforme au
schéma d'accentuation régulier de l'occitan :
crèdit,
credit
« crédit »,
quasi,
quasí
« quasi,
presque ».
.
On étend ce principe en réformant des mots savants dont
le schéma d'accentuation est emprunté : fòto,
fotò
« photo »,
àudio,
audiò
« audio ».
.
A partir du 14° siècle, une tradition écrite est
apparue en
Basse-Auvergne
consistant à noter par un T le C
en fin de mot, certainement suite à une évolution
phonétique. Cette tradition n'est pas prise :
codèrc,
codèrt .
.
L'évolution en EA/IA de E devant L, générale sur
le domaine, sauf pour le Vivarais, est prise : fial,
fil
« fil »,
mial,
mèl
« miel »,
abrial,
abril
« avril ».
Mais nous ne retenons pas la forme intermédiaire EA
devenue rare: mial,
meal.
.
Mais l'évolution similaire devant
R, limitée au Puy-de-Dôme, n'est pas prise : tèrra,
tiarra
« terre »,
ivèrn,
iviarn
« hiver »,
Auvèrnha,
Auviarnha
« Auvergne »
.
UI est devenu U depuis longtemps : fruta,
fruita
«
les fruits », brut,
bruit
« bruit ».
. Nous faisons ici le choix de retenir la seule forme RR pour R intervocalique placé après une ancienne diphtongue : adurre, condurre « conduire », burre « beurre ».
.
Les déplacements d'accents qui sont généralisés
dans la langue contemporaine sont pris : abadiá,
abadia
« abbaye »,
fedariá,
fedaria
« bergerie ».
.
On garde l'écriture LH même si la prononciation est
devenu majoritairement [
j ] : palha,
paia
« paille ».
On remarquera d'ailleurs que certains parlers traitent LH final comme
les autres consonnes qu'ils ne prononcent pas, mais maintiennent la
diphtongue :
dalh
[
da
]
« faulx »
/ rai
[
ʁai
]
« rayon ».
.
Les nombreuses prononciations palatales présentes dans la
langue contemporaine en Auvergne et en Velay ne sont pas écrites:
aquí
« là »,
cubèrta
« couverture »,
dire
« dire »,
agulha
« aiguille »…
Dans
le cas de LU et LI, la palatalisation est plus ancienne
mais
on ne la prend pas : luna,
lhuna,
« lune ».
.
On ne prend pas les voyelles en hiatus quand elles sont remplacées
depuis longtemps par des formes simplifiées : maistre,
mèstre,
maestre
« maître »,
sail,
sael
« sceau ».
Il y a cependant des exceptions à ces choix : aost,
òst,
avost
« août »,
aürós
« heureux ».
A l'opposé, il est des hiatus qui sont parfois
conservés
dans la langue contemporaine :
saüc
« sureau »,
traïnar,
trainar
« trainer ».
Quand le hiatus s'est solutionné par la consonnification d'une
des deux voyelles, on note le déplacement d'accent induit :
coá
« queue »
.
Pour les groupes de consonnes, nous nous remettons aux préconisations
connues . Cela implique des prononciations variables : GN est
prononcé NN : sagnar,
sannar
« saigner »,
digne, dinne
« digne »,
TL est prononcé NL : esvetlar,
esvenlar
« vautrer »,
ametla,
amenla
« amande »,
espatla,
espanla
« épaule »,
rotlar,
ronlar
« rouler »;
LL
est prononcés NL : bolla,
bonla
« boule ».
Il
y a cependant de nombreux cas où la prononciation est sur le
schéma du français moderne :
immòble, programmar, annullar.... , palle « pâle »
est connu avec deux prononciations, panle
et
pale.
.
Les palatalisations de GL et CL ne sont pas prises : glèisa,
lhèisa
« église »,
Clarmont,
Clharmont
« Clermont »,
estranglar,
estranlhar
« étrangler » ,
angle,
anlhe
« angle »,
ongla
(la),
onlha
« ongle » ,
agla
(la),
alha
« aigle ».
.
On prend les évolutions phonétiques irrégulières
quand la forme régulière a disparu: crompar,
comprar
« acheter ».
.
Quand un substantif a deux genres possibles, on prend le plus
courant : la
fam,
lo
fam « la
faim ».
.
E tend à passer à A dans différentes
configuration : devant R, en première syllabe, …
Cette tendance est attestée depuis longtemps, et on peut
hésiter entre une écriture plus étymologique
avec E, et une écriture plus conforme à la langue
parlée avec A. On n'adopte pas ici de règle absolue, on
prendra parfois les
deux formes, semenar,
samenar
« semer »,
et d'autres fois la forme actuelle, vint-a-sèt,
vint-e-sèt
« vingt-sept ».
. Enfin, certaines formes retenues sont présentées comme variantes et indiquées entre {}, (ex. gialar, {gelar}, {jalar}). La sélection d'une forme comme représentante principale n'a pas de signification particulière, si ce n'est qu'elle peut sembler plus fréquente.